Et voici le petit dernier, pour lequel je suis partie d’un des éléments de la liste de Liliane : « Mon petit doigt m’a dit que je te retrouverai »
Mon petit doigt m’a dit que je te retrouverai, un jour ou une nuit, au fond d’un tiroir, dans la foule d’un grand magasin, sur un forum de discussion, au sommet de l’Himalaya, dans une salle de cinéma obscure, au milieu d’une pile sur mon bureau, dans le rire de mes enfants, au fond du frigo, dans le miroir de la salle de bains, sur la page d’un magazine féminin, dans une bouchée de madeleine, au bout de ma rue.
Deuxième petite suite au texte Mon petit doigt m’a dit, nous étions trois à écrire ce soir-là et l’exercice consistait donc à choisir un des éléments de la liste de chacune de nos co-écrivantes. Dans la liste d’Anne, j’avais choisi :
Mon petit doigt m’a dit qu’il y a un temps pour tout et que le temps des « Il faut que » pourrait presque passer à la trappe.
Mon petit doigt m’a dit qu’il y a un temps pour tout et que le temps des « Il faut que » pourrait presque passer à la trappe. Il a tendance à me dire les vérités que je ne veux pas entendre. C’est d’autant plus énervant que je n’ai aucun moyen de le réduire au silence, si ce n’est en suivant ses conseils et en espérant que ça suffise. Mon petit doigt est partisan de l’action, il a la procrastination en horreur. Alors quand je m’apprête à dire « Il faut que », désormais, je me tais et j’agis, quitte à me tromper. L’avantage, dans ce cas, c’est que j’ai un responsable tout trouvé. Quelle idée aussi d’avoir pris un coach personnel aussi insignifiant…
Petite suite au texte de jeudi, vous connaissez le principe maintenant, l’exercice consiste à choisir un élément de cette liste et le développer (5 minutes). Voici :
Mon petit doigt m’a dit qu’une manucure lui plairait bien. Je lui ai répondu que ses voisins ne m’avaient jamais fait de demande aussi extravagante, qu’ils se contentaient d’un coup de lime, d’un taillage au ciseau une fois par semaine, et qu’ils ne s’en portaient pas plus mal. Il a tenté de faire une moue boudeuse qui évidemment ne ressemblait à rien. Il a maugréé qu’il était trop long et qu’il s’ennuyait souvent parce qu’il ne servait qu’à me curer les oreilles de temps en temps, et que d’ailleurs c’était dégoûtant. Qu’il rêvait de se faire dorloter, de s’habiller de plusieurs couches de vernis, brillant de préférence. Que c’était bien joli de savoir parler, autant que ça serve à quelque chose.
Me voici de retour après une absence de quinze jours avec une petite liste écrite lors d’une rencontre hors atelier avec Virginie. Son principe est simple : « Mon petit doigt m’a dit »… Comme il est court (nous n’avions que 5 minutes), je publierai très bientôt ses petits frères…
Mon petit doigt m’a dit qu’il allait pleuvoir demain
Mon petit doigt m’a dit que je devrais être plus patiente
Mon petit doigt m’a dit que mon chat était à la fenêtre, et hop, il y était
Mon petit doigt m’a dit qu’il en avait marre de ces coupures de connexion Internet
Mon petit doigt m’a dit que le Beaujolais Nouveau n’était bon que partagé
Mon petit doigt m’a dit que je n’avais aucune coordination, mais qu’on s’en fichait
Mon petit doigt m’a dit qu’une manucure lui plairait bien
Mon petit doigt m’a dit que le problème avec moi, c’est que je ne savais pas rester assise sans rien faire
Mon petit doigt m’a dit que ce serait bientôt Noël
Mon petit doigt m’a dit que j’avais toujours peur d’être en retard et que finalement j’étais toujours en avance
Je suis né sur le siège avant d’une Panda à cinq kilomètres de la maternité. Mon père s’était arrêté en catastrophe sur le bord de la route, les hurlements de ma mère ne laissant aucun doute sur l’imminence de mon arrivée. Je me souviens encore de la tête du jeune pompier qui m’a découvert tranquillement endormi dans les bras de ma mère, enveloppé tant bien que mal dans un gilet de sécurité jaune fluo.
Je suis née après 27 heures de contractions, pendant lesquelles ma mère a traité mon père de tous les noms d’oiseaux qu’elle pouvait imaginer, et elle ne manque pas d’imagination. Quand elle m’a vu il paraît qu’elle a lâché une dernière bordée d’injures, avant de se tourner vers lui et de lui déclarer son amour.
Je suis né dans une famille trop grande pour que ma présence ou mon absence ne fasse une grande différence dans le tourbillon de la vie quotidienne.
Je suis née par surprise, ma mère ayant attribué sa prise de poids à une consommation excessive de chocolat. Le premier jour de ma vie sur terre, j’ai porté un vieux body déniché par les sages-femmes, sur lequel figurait la poétique mention « Beau comme un camion ». Le deuxième jour, mon père a été dépêché dans les magasins, en quête de vêtements plus adaptés à ma condition féminine.
Je suis né beaucoup trop tôt, si bien que j’ai cru pendant des mois que la couveuse dans laquelle on me gardait était ma maman, et je me demandais si la vie se résumait à des visites quotidiennes de gens qui pleuraient et qui osaient à peine me regarder, de peur de s’attacher.
Je suis née exactement le jour prévu et j’ai eu la délicatesse d’attendre que la péridurale ait fait effet pour entamer ma descente finale.
Je suis enfin né après des années d’attente, de faux espoirs et de vrais drames, de procédures et de démarches, de piqûres dans le ventre et de déceptions. Le dossier de ma mère portant la mention « Grossesse précieuse », j’en ai déduit que je ne devais pas être fait du même métal que les autres, ce qui m’a rendu fier, et un peu arrogant.
Le texte du jour est tiré d’une consigne proposée par mon amie A. lors de notre dernier atelier. Nous devions partir d’un incipit. Pour les non-initiés, ce sont les premiers mots d’un manuscrit, d’un ouvrage ou les premières notes d’un ouvrage musical ou instrumental (merci monsieur Larousse). Parmi les propositions, j’ai choisi « C’est le moment de croire que j’entends des pas dans le couloir », se dit Bernard ». (Pour information, c’est le début d’un roman d’André Gide, « Les faux-monnayeurs »).
C’est le moment de croire que j’entends des pas dans le corridor, se dit Bernard. J’ai un planning très serré en matière de névroses. Si je ne le tiens pas, je risque de devenir sain d’esprit, et il nous faut éviter ça à tout prix, n’est-ce-pas ? Alors, à 17 heures précises chaque jour, je tends l’oreille et je me concentre jusqu’à ce que le bruit sec de tes talons me parvienne, d’abord étouffé, puis de plus en plus présent, jusqu’à en devenir assourdissant. Les bons jours, j’entends même la clé qui tourne dans la serrure, alors que la porte n’est même pas verrouillée, puis le grincement des gonds, la porte qui se referme, un peu sèchement. Puis tes pas décidés dans le couloir, qui se rapprochent de plus en plus. Je fais durer ce moment plus que s’il se produisait réellement, pour profiter de chaque seconde. Tu es enfin de retour. Mon cœur bat un peu plus vite, ma bouche devient sèche. Si je reste bien concentré, peut-être que l’illusion se prolongera jusqu’à ce que la porte du salon s’ouvre et que tu arrives jusqu’à moi. Non, ce ne sera pas aujourd’hui. Le bruit s’atténue, les pas s’éloignent. La porte d’entrée se referme. Je suis de nouveau seul. Tu ne reviendras pas, je le sais. Mais chaque jour, à 17 heures précises, je continuerai à m’astreindre à cet exercice si divin. Ce numéro d’équilibriste avec ma raison où je tombe mais me relève toujours, pour réessayer, jour après jour, de le réaliser jusqu’au bout.
Je l’ai préparé longtemps, ce meurtre. Dans ce domaine, il ne faut rien laisser au hasard. Il est tentant de déléguer, mais le risque à la fois d’échec et de trahison est bien trop grand à mon goût. Le crime est une histoire personnelle, surtout quand il est passionnel. Je n’ai aucune envie de laver mon linge sale en public. Donc c’est décidé, cela restera entre moi et ma victime. Un dernier pas de deux amoureux, en somme. Quant à la méthode, j’ai pesé le pour et le contre en m’aidant de tableaux récapitulatifs. Ce ne sont pas les options qui manquent en la matière. Un petit coup de lame à la carotide ? Trop sanguinolent. La pendaison, pour faire croire à un suicide ? Je n’ai pas la musculature. La pousser sous un train ? Trop aléatoire, sans parler du traumatisme infligé au conducteur. Une arme à feu ? Difficile de s’en procurer une, et puis il faut bien viser, je ne voudrais pas la transformer en légume. La strangulation ? Trop intime. Je vous en passe et des meilleures. J’ai même lu un cas très intéressant d’une japonaise qui a fait avaler les testicules de son mari à son amant en les faisant passer pour des ris de veau. Ça m’a semblé original, mais passablement dégoûtant – pour les deux victimes. Je ne suis pas fan des ris de veau, en ce qui me concerne – même les vrais. Et puis on peut tuer sans tomber dans le sordide, en gardant un certain respect de soi-même et des règles culinaires. Après mûre réflexion, j’ai donc opté pour la ricine. C’est rapide, efficace, et ça ne ressort pas dans les analyses toxicologiques de base. C’est douloureux, oui, bien sûr, mais on n’a rien sans rien, et après tout on parle de meurtre, pas de macramé. Ce qui me fait penser…. Non, pas l’immolation, à cause de l’odeur. On en revient au poison. C’est une méthode féminine, il paraît. Cela brouillera d’autant plus les pistes. Les hommes préfèrent généralement l’attaque frontale. Mais je suis pragmatique avant tout. On n’a jamais deux fois l’occasion de commettre le crime parfait – sur la même personne, du moins. Donc autant s’y prendre correctement dès le premier coup. Poison, glissé dans son plat ou dans un verre. Elle qui se plaint régulièrement d’avoir des aigreurs d’estomac, elle va être servie. Je l’ai appelée, depuis un téléphone prépayé (je regarde les séries policières, comme tout un chacun), pour lui proposer de venir dîner chez moi. Elle a accepté avec un enthousiasme qui m’a un peu écœuré. Mais bon, si je ne la trouvais pas aussi répugnante, je projetterais de l’emmener en croisière, pas de la faire passer de vie à trépas. J’ai préparé soigneusement une ambiance romantique, que vous interpréterez comme bon vous semblera : excès de cruauté ou, au contraire, petite touche montrant qu’au fond, je suis bon bougre et lui assure une dernière soirée agréable, jusqu’à un certain point. Le point d’orgue de la soirée se déroulera au dessert. Il faut bien quelque chose pour accompagner son poison, ce sera un fraisier avec éclats de chocolat blanc, mon plat-signature. Si elle survivait (ce qui ne sera pas le cas, j’ai prévu trois fois la dose létale, on n’est jamais trop prudent, je ne connais pas son métabolisme) elle pourrait se vanter d’être la seule à avoir goûté cette version très spéciale de ce grand classique culinaire.
Si vous avez des enfants, vous connaissez peut-être Aldebert, auteur-compositeur-interprète qui s’est spécialisé depuis une dizaine d’années dans les albums pour enfants et grands enfants. Si vous ne le connaissez pas, enfant ou pas, je ne peux que vous conseiller de l’écouter. C’est drôle, émouvant, décalé, jamais niais, et nombre de ses chansons peuvent être utilisées comme base d’une consigne d’écriture… Ce que nous avons donc fait récemment, à partir d’un des titres d’Enfantillages 2, qu’il partage avec Louis Chédid, « Dans la maison de mon arrière-grand-père ».
Lisez et écoutez, ou bien l’inverse !
Dans la maison de mon arrière-grand-mère, on entre à petits pas, en évitant de respirer trop fort, de peur de perturber rien que par notre présence des dizaines d’années de vie accumulées
Dans la maison de mon arrière-grand-mère, tout a une place et tout est à sa place, le moindre bibelot, le moindre vase, tout, à part nous peut-être
Dans la maison de mon arrière-grand-mère, le temps s’est arrêté il y a plus de 30 ans, quand mon arrière-grand-père a quitté les lieux
Dans la maison de mon arrière-grand-mère, il y a une odeur d’avant, que je ne saurais pas définir mais qui reste même en ouvrant grand les fenêtres
Dans la maison de mon arrière-grand-mère il y a des photos sur la cheminée, dans l’ordre chronologique, en noir et blanc, des photos de mariage, de bébés qui n’ont guère plus de cheveux aujourd’hui, puis les couleurs arrivent, les coupes de cheveux se font plus modernes, jusqu’au dernier arrière-arrière-petit-fils qui a été ajouté il y a peu
Dans la maison de mon arrière-grand-mère il n’y a pas de place pour les cris, les parties de cache-cache et les enfants mal élevés
Dans la maison de mon arrière-grand-mère il y a toujours un petit quelque chose à grignoter et un cadeau emballé
Dans la maison de mon arrière-grand-mère il y a mon arrière-grand-mère, trônant sur son fauteuil avec un chat sur les genoux
Et si un jour c’est moi l’arrière-grand-mère…
Je pousserai le thermostat à fond mais me plaindrai toujours d’avoir froid. J’aurai jeté depuis longtemps mon compteur de pas et ma balance. Je ne me préoccuperai plus de l’effet potentiel d’un verre de vin sur mon foie. Mes grands garçons auront les cheveux blancs mais je m’inquiéterai toujours de savoir s’ils ont suffisamment mangé. J’aurai sans doute abandonné depuis longtemps l’idée de comprendre mon époque. J’accueillerai avec un mélange de joie et d’exaspération mes arrière-petits-enfants et, comme mon arrière-grand-mère, ma grand-mère et ma mère avant moi, je les trouverai merveilleusement vivants et atrocement bruyants.
Si un jour c’est moi l’arrière-grand-mère j’espère qu’ils oublieront mes sautes d’humeurs et qu’ils se souviendront des bons moments.
On revient à la légèreté avec ce texte inspiré encore une fois d’une consigne d’« Ecrire… ».
Quand je serai grande, je serai exploratrice. Les mygales ne me feront pas peur, je serai capable de tordre le cou au premier python qui croisera ma route, je ne craindrai ni la pluie diluvienne, ni la chaleur étouffante, je me baignerai dans des eaux infestées de requins, je sauterai des falaises, je monterai au sommet de l’Everest, je découvrirai une ancienne cité Inca, je serai affutée, sans peur, ambitieuse, je dormirai au clair de lune et je hurlerai avec les loups.
Mais je suis allergique aux piqûres de moustiques, mes jambes se couvrent de plaques quand je marche trop et je déteste le camping. Oublions donc les cités Incas et les sommets des montagnes où il fait de toute façon trop froid.
Quand je serai grande, je serai plutôt Présidente de la République, comme l’a annoncé fort objectivement mon père le jour de ma naissance. La diplomatie internationale n’aura aucun secret pour moi, j’enchaînerai les dîners mondains avec brio, je prendrai la parole avec aisance, je me ferai défenseure des opprimés et des minorités, j’aurai le charme de Margaret Thatcher et la poigne de Michelle Obama (ou peut-être l’inverse), je réglerai les conflits mondiaux d’un claquement de doigt, j’aurai les multinationales à mes pieds et une photo de moi dans chaque foyer, je serai l’exemple pour des milliers de petites filles, rien ni personne ne me résistera.
Mais j’aime dormir au moins 9 heures par nuit, suis une effroyable menteuse et les voyages en avion me font gonfler les pieds. Non, vraiment, Présidente, oublions.
Quand je serai grande, j’aurai des ambitions démesurées : un toit au-dessus de ma tête, des rires dans ma maison, des enfants en bonne santé, quelqu’un à mes côtés, un lit douillet, un café bien serré, des moments partagés et d’autres rien qu’à moi.
19 mars. « Tiens, c’est la Saint Joseph », s’amuse-t-il en regardant l’agenda
19 mars. J’ai un léger mouvement de recul, la familiarité de cette date se rappelant à moi
19 mars. Premier anniversaire sans la principale intéressée, que fêtons-nous au juste ?
19 mars. Dans quelques années, mes enfants auront peut-être oublié qu’ils t’ont connue
19 mars. Cette date se confondra-t-elle un jour avec les autres sur le calendrier ?
19 mars. « Anniversaire mamie ». Je le notais sur mon planning, je savais que je devais t’appeler, je redoutais ce moment où tu me ferais répéter trois fois « C’est Emilie », où tu t’énerverais parce que tu ne te souvenais plus des prénoms des enfants, où tu me confondrais quelques instants avec ma cousine, où je te sentirais fatiguée, où je devrais parler un peu fort, répéter trois fois, « À bientôt, mamie », histoire de couper court à la conversation que tu aurais sans doute oublié quelques heures plus tard de toute façon. « Ça va, le travail ? », « Oui », « Ça va, les enfants ? » « Oui, très bien ». Et savoir qu’il valait mieux éviter de te demander si toi ça allait, pour t’éviter de mentir, ou pour ne pas entendre ta réponse si tu disais la vérité. « J’aimerais venir te voir à Château », disais-tu, et je répondais « Oui, nous verrons », en sachant que cela n’arriverait plus.
19 mars. Rien sur mon planning aujourd’hui sinon les noms et heures des projets à livrer, mais tu es là, quand même, quelque part, dans cette date qui me renvoie invariablement à toi.
19 mars. C’est ton anniversaire, avec ou sans toi. Bon anniversaire, mamie.