Journal intime d’un chat domestique – épisode 2

Ce matin, j’étais de bonne humeur et j’ai décidé que pour une fois, ce serait moi qui apporterai son repas à l’humaine. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais les deux pattes sont assez limités en la matière, les proies qu’ils ramènent de ce qu’ils appellent « courses » (je suppose que c’est l’équivalent de la chasse pour nous animaux) sont toujours mortes depuis longtemps. L’avantage c’est qu’elles sont déjà éviscérées et prédécoupées, ce qui a un côté pratique, je le reconnais. Mais bon, en matière de fraîcheur, ils ont des progrès à faire. J’ai donc fait une petite expédition dans le jardin et la chance m’a souri : une bondissante petite souris qui allait sans doute plaire à l’humaine, elle qui s’émerveille toujours sur les bébés animaux. En deux coups de griffe et quelques tours de terrain, principalement pour me dégourdir les pattes – j’aurais pu l’attraper tout de suite, mais dans ce cas-là où aurait été le sport ? – elle était dans ma gueule. L’humaine était dans le salon en train de ramasser des choses qui traînaient par terre – je ne vois pas pourquoi elle s’embête, vu que dès le retour des mini-humains le désordre reviendra –, alors j’ai posé son cadeau sur le tapis rouge (sa couleur préférée). Puis je l’ai regardée en attendant les compliments et les remerciements d’usage. Elle est devenue toute blanche. J’ai pensé qu’elle avait peut-être un doute sur la fraîcheur de la marchandise alors j’ai mis un petit coup de patte à la souris, qui s’est trémoussée et a poussé des petits cris. J’étais fière d’elle. L’humaine est devenue toute rouge et puis elle s’est mis à hurler. Ça n’a pas rassuré la pauvre souris qui n’en menait déjà pas large – j’avoue, je lui avais peut-être un peu croqué la queue, mais c’était pour m’assurer qu’elle était mangeable. L’humaine a pointé la porte du doigt et m’a dit « Ramènes cette horreur dehors tout de suite ! ». Je n’ai pas cherché à comprendre ce comportement tout à fait irrationnel (et impoli). Je suppose qu’elle n’aime pas les souris. La prochaine fois, je lui ramènerai un oiseau. Ou un serpent.

Journal intime d’un chat domestique – épisode 1

C’est l’été et j’ai donc décidé de me lancer dans un petit projet léger : je vous proposerai chaque semaine un extrait du « Journal intime d’un chat domestique ». Ce journal ne comporte pas de date pour une raison évidente, les chats n’ont ni montre ni calendrier (voyons, soyons réalistes !). Voici l’épisode 1.

Je prends toujours soin d’annoncer ma présence quand j’entre dans une pièce. Un petit miaulement que les humains associent à un salut, histoire qu’ils se félicitent de m’avoir si bien élevée et de les mettre dans de bonnes dispositions. « Miaou », leur dis-je. « Bonjour, Pupuce ! » répondent-ils. Cela suffit généralement à faire comprendre à l’humaine qu’elle doit me suivre dans la cuisine pour ajouter quelques croquettes fraîches dans mon plat. Aujourd’hui, ma technique a été un peu moins efficace que d’habitude. Les humains étaient affalés sur le canapé devant un objet sur lequel défile des images, je crois que ça s’appelle « latélé », en tous cas les humains adorent, en particulier les mini-humains qui dès qu’ils rentrent à la maison, se précipitent dessus. Moi, à part les émissions animalières, je ne vois pas l’intérêt. Bref, là ils regardaient des gens qui se couraient après pour attraper une balle (je leur aurais bien fait remarquer que des balles, on en a dans le jardin, mais comme je ne sais dire que « Miaou », je me suis tue). J’ai dû me rabaisser à monter sur les genoux de l’humaine, qui elle ne regardait même pas « latélé » mais un autre objet plus petit sur lequel défile aussi des images (décidément, c’est une obsession chez eux), à me frotter un peu contre elle, à ronronner, puis à redescendre du canapé en la fixant sans cligner des yeux (c’est plus efficace). Après avoir répété ma demande deux ou trois fois de ma douce voix, elle a fini par se lever de son fauteuil en soupirant. J’arrive toujours à mes fins. Qui a bien élevé l’autre, je vous le demande ?

Je ne veux pas

Il y a un an, à quelques jours près (je ne retiens pas ces dates-là), je rentrais en train de l’enterrement de ma grand-mère et j’écrivais ce texte. Je ne suis pas sûre d’être un jour vraiment prête à le publier sans boule au ventre donc autant me lancer aujourd’hui.

Je ne veux pas te voir comme ça. Je n’ai pas besoin de te dire au revoir. Je crois qu’il n’y a plus beaucoup de toi dans ce cercueil, ils ont dû transformer ton visage en masque méconnaissable. La mort a fait le reste. Je préfère me rappeler de toi telle que tu étais. L’odeur de ton parfum. La sensation de tes joues fripées et molles contre mes lèvres. La façon dont tu m’agrippais le bras avec tes longues mains pour me redemander un baiser ou me poser une question. Notre dernier Noël ensemble, avec le petit sapin qu’on avait installé dans un coin de ta chambre. Les cadeaux pour mes enfants que ma mère avait mis dessous en disant qu’ils étaient de ta part. De mon côté, je t’avais offert un pull à paillettes, du XS, car tu ne pesais plus bien lourd. Puisqu’on triche, autant le faire avec panache. Travelling arrière quelques années plus tôt. Le même mini-sapin artificiel trône à l’entrée de ton appartement. Tu as accroché des guirlandes aux miroirs. Tu as acheté et emballé toi-même les cadeaux. C’est déjà mieux, non ? Et pourquoi pas ? Oui, pourquoi pas ? Je suis encore adolescente et mes amis me félicitent d’avoir une grand-mère aussi dynamique, si moderne. Je viens tous les jours déjeuner chez toi avec maman, et le dimanche, tu es encore avec nous. On te sert une coupe de champagne, et ensuite tu chipotes à table. Le saumon fumé, oui. La viande, non ! Quelques légumes, un morceau de fromage, et comme tu es gourmande, un dessert, plutôt deux fois qu’une. Tu lances quelques piques à ton gendre préféré, puis tu fais la sieste sur le canapé. Toute une enfance rythmée par tes visites et les nôtres. Je m’en lassais alors, mais maintenant, comme j’aimerais vivre encore un de ces dimanches d’ennui… Non, tu n’es pas dans ce cercueil si petit. Tu es là, dans le collier que je porte autour du mon cou, dans les photos des albums des enfants, dans leurs dessins qui t’accompagnent aujourd’hui, dans ce flacon de parfum que j’ai récupéré, et qui me permet de te retrouver, en fermant les yeux et en inspirant simplement.

Vive les vacances…

Aujourd’hui, je vous propose un petit double monologue enfant/parent pour fêter les vacances… (soupir)

Youpi, c’est les vacances !

Allez, respire et profite du dernier moment de calme avant la tempête

Deux mois avant la rentrée !

Pff, deux mois avant la rentrée.

Plus de devoirs, plus de maîtresse qui me dit quoi faire

Je vais lui acheter un cahier de vacances, ça l’occupera

Plus de maths, plus de calculs !

Il ne faudrait pas qu’il oublie ses tables de multiplication…

On va pouvoir veiller tard…

Hop, couchés à 20h30, il ne faut pas perdre les bonnes habitudes

Regarder plein de dessins animés…

Pas question qu’ils passent leur été devant la télé

Je suis sûr que maman a prévu plein d’activités

On va commencer par ranger les chambres, ça nous occupera

Dommage qu’il y ait trois semaines de centre de loisirs…

Heureusement qu’il y a le centre de loisirs. Quoi ? Trois semaines seulement ?

Au programme : jeux, courses dans le jardin, piscine…

Ils vont passer l’été à crier et à se battre. Où sont mes boules quies ?

Quand même, deux mois sans les copains ça va être long. Vivement le CE2.

Je n’en reviens pas qu’il rentre déjà en CE2. C’est passé tellement vite.

Procrastination

La première fois que j’ai entendu le mot procrastination, je me suis dit que c’était une blague, ou une insulte vraiment vulgaire. Alors j’ai passé le reste de l’après-midi à lire des pages Wikipédia et à regarder des vidéos sur le sujet. Au bout de deux heures trente, j’ai dû me rendre à l’évidence. J’étais bel et bien une procrastinatrice. Et j’étais très en retard pour ma conf’ call de 10h. Alors je suis allé me chercher quelque chose à manger dans le frigo en me disant que je n’allais tout de même pas déranger mon client pendant sa pause-déjeuner pour m’excuser de mon absence du matin. Après mon repas j’ai empilé mon assiette, mes couverts et mon verre sur l’évier, dans les 12cm² pas encore occupés, et je suis retournée au bureau lire mes mails. Avant d’appeler mon client je me suis demandé si le mot procrastinatrice existait vraiment. Alors j’ai consulté mes trois dictionnaires et fait des recherches sur Google. Effectivement, le mot existe, même si mon correcteur orthographique ne le reconnaît pas. Histoire d’en avoir le cœur net (en matière de diagnostic, il faut être méthodique), j’ai décidé de faire la liste de toutes les choses qui faisaient de moi une « personne atteinte de procrastination », d’après la définition (un peu faiblarde) du Larousse.

J’ai 1 743 e-mails non lus dans ma boîte de réception.

Sur le Bureau de mon ordinateur, il y a un dossier intitulé « À faire ». La dernière fois que j’ai osé le regarder, il contenait 123 éléments.

J’ai depuis créé un dossier « En retard » dans lequel je transfère les éléments du dossier « À faire » tous les 6 mois. Plus ou moins.

J’ai tellement tardé à envoyer le faire-part de naissance de mon premier enfant que je l’ai expédié en même temps que celui du deuxième.

Je vais si rarement chez le coiffeur que la dernière fois mes cheveux arrivaient en bas du dos (et je ne vous parlerai pas de mon esthéticienne).

J’ai une pile de papiers, câbles, manuels d’utilisation, factures sur la bibliothèque. Je m’en occuperai quand elle commencera à s’écrouler.

L’autre jour j’étais motivée, j’ai décidé de faire mon ménage de printemps. Comme on était quasiment au mois de décembre je me suis dit que ça pouvait bien attendre trois mois de plus, histoire d’être à la bonne saison, au moins.

Avant, pour m’organiser, je faisais des listes de ce que j’avais à faire. Au début j’utilisais des post-it, puis je suis passée au format A4. Je notais ce que je faisais au fur et à mesure. On m’a dit que c’était de la triche d’y mettre « se laver les dents » et « s’habiller » juste pour avoir la satisfaction de barrer un ou deux éléments. Du coup j’ai jeté mes listes. Les gens ont le chic pour me démotiver.

L’autre jour mon patron m’a demandé si j’étais malade parce que j’avais tout terminé en temps et en heure. Je n’ai pas compris s’il était sincère ou s’il se moquait de moi alors je lui ai répondu que tout allait bien et je l’ai remercié. Je suppose que c’était mieux que de lui casser la gueule, au niveau de la conservation de mon emploi.

Je souhaite systématiquement « bon anniversaire » à tous mes amis. Cela fait longtemps qu’ils ne s’offusquent plus que ce ne soit pas du tout à la bonne date.

Un jour je n’en pouvais plus du bazar dans ma cuisine alors j’ai décidé de réorganiser chaque tiroir. Je vous assure que le premier tiroir à gauche est super bien rangé.

J’attends toujours la deuxième relance pour payer mes factures, juste avant l’application des pénalités de retard.

Quand j’ai un rhume, je sais que le temps que je prenne un rendez-vous chez le médecin, je serai guérie. On ne risque pas de me reprocher de contribuer au trou de la sécurité sociale.

Dans mon jardin, l’herbe m’arrive au genou et le chiendent se confond avec les plantations. A ceux qui s’en plaignent, je réponds que c’est par respect de la nature.

Inutile que je vous dise quand j’ai commencé cette liste sur la procrastination. Indice : pas aujourd’hui.

Alors j’ai eu une idée géniale : j’ai décidé de procrastiner le fait de procrastiner. Comme ça, plus de procrastination. Je serai une femme active, dynamique, qu’on admire et qui avance dans la vie.

Je commence demain.

Rien ne presse

Avant le texte prévu sur la procrastination, qui peut bien attendre un peu, n’est-ce-pas, je vous propose un petit texte dans le même esprit. Toute ressemblance avec une personne ou une situation existante n’est en rien fortuite.

« Habille-toi, Clément ».

Enveloppé dans ma serviette de bain, encore tout mouillé de la douche, je soupire et je rentre dans ma chambre. D’accord, je vais m’habiller. Je pose la serviette par terre et tout d’un coup, je la vois. Ma carte Pokémon brillante que j’adore. Elle dépasse juste un peu d’une pile de dessins plus ou moins terminés. Je suis content de la retrouver. Il faut absolument que je le dise à maman.

« Ça ne m’intéresse pas, je veux que tu t’habilles et puis d’ailleurs ne laisse pas traîner ta serviette par terre ».

OK ! Mais d’abord, j’ai envie d’écouter de la musique. J’ai le droit, non ? Je m’assieds nu sur ma couette et je regarde ma pile de CD. Tiens, elle est où l’histoire de Flopiflop l’extraterrestre ? C’est elle que je veux. Je regarde par terre. Tiens, il était pas mal ce dessin. Si je le terminais maintenant ? Où sont mes feutres ?

« Clément, habille-toi ! Tu vas prendre froid ».

« Mais attends, maman ! »

Elle ne comprend pas que c’est important.

« Je prépare un dessin à Augustin pour son anniversaire, Maman ! »

« Son anniversaire, c’est dans 10 mois. On a le temps ».

« OK, maman ».

Ah, voilà mon CD. J’aime bien cette histoire. Où est mon pyjama, d’ailleurs ? Bon, je vais en sortir un autre. Zut, mon avion Lego est tout cassé. Il faut que je le répare. Sauf que je sais pas où sont les briques manquantes. Elles doivent être dans le gros bac. Si je le retourne, je vais bien les trouver.

« Clément, pourquoi j’entends des bruits de Lego ? Tu es en pyjama ? »

« Mais attends, maman ! ».

Ah, voilà, une brique rouge pour mon avion. Tiens, mon hand spinner, qu’est-ce qu’il fait là ? J’adore mon hand spinner. Je sais faire de super figures.

« Clément, viens aider à mettre la table, on mange ! »

« Attends, maman ! »

« Tu es en pyjama, au moins ? »

« Presque… j’arrive… »

Lettre à mon cerveau

Cher cerveau,

Sache que je te tiens en haute estime et que tu sais te rendre utile dans la vie quotidienne, que ce soit dans l’exercice de ma profession ou simplement pour mettre mes vêtements au bon endroit et éviter les railleries. Je suis bien consciente que sans toi, je me baladerai peut-être avec une chaussette sur la tête et le pantalon à l’envers. Je me permets néanmoins quelques suggestions dont nous pourrons tous deux, j’en suis sûre, tirer parti.

  1. Pourrais-tu réserver tes éclairs de génie aux moments où je suis à portée d’un stylo ou d’un clavier d’ordinateur ? A deux heures du matin, trouver la trame entière d’un roman ne me sert à rien si j’ai tout oublié le lendemain.
  2. Certes, une bonne hygiène bucco-dentaire est importante, mais es-tu obligé de me rappeler qu’il faut absolument que je rachète du dentifrice juste au moment où je sombre enfin dans le sommeil ?
  3. Tu es très créatif, et c’est une qualité certaine. Mais penses-tu vraiment qu’imaginer des scénarios morbides (enfants qui se font renverser en traversant la route, ou bien en manœuvrant la voiture…) soit la base d’une nuit paisible ? J’en doute. Je suggèrerais des images de fleurs ou de petits oiseaux, mais après tout c’est toi qui vois.
  4. Oui, c’est vrai qu’il ne faut pas que j’oublie les cadeaux des maîtresses, et la réinscription à la zumba, et d’envoyer un e-mail à ma maman, mais ça peut peut-être attendre qu’il fasse jour, non ?
  5. Pourrais-tu, et c’est encore une suggestion, te concentrer sur des tâches importantes telles que la circulation sanguine ? Cela permettrait peut-être d’éviter que je sois réveillée en pleine nuit par des crampes. Ce n’est pas exactement ma conception d’une activité fun.
  6. C’est très sympa à toi de m’envoyer une image mentale de tout ce que je dois faire le lendemain, avec une note personnelle me disant que je n’y arriverai jamais… mais, comment te dire ça sans te vexer… tu devrais revoir tes techniques de motivation.
  7. Je sais combien tu es mélomane, mais inutile de me faire une démonstration de ta capacité de mémorisation des chansons de Pierre Perret, j’ai déjà des enfants pour ça.
  8. Une chose est sûre, je n’ai pas besoin de me souvenir en détails du moindre moment gênant de ma vie à une heure du matin, ni à aucun moment d’ailleurs. Pourrais-tu avoir la gentillesse de les remplacer par des choses utiles telles que, je ne sais pas, les vingt mots de passe que je suis censée mémoriser ou les numéros gagnants du loto ? (D’accord, peut-être que je pousse un peu).
  9. Bravo, tu es capable de citer 15 films où apparaît Kevin Bacon. Le problème, c’est que tout le monde s’en fout, toi y compris, avoue-le.
  10. Si tu pouvais t’abstenir de me rappeler que l’ombre de la branche qui se dessine sur le mur ressemble étrangement à un monstre et de me demander si je suis sûre que la porte d’entrée est verrouillée juste le soir où j’ai regardé un film d’horreur, j’apprécierais vraiment.
  11. Oui, je n’aurais sans doute pas dû prendre ce café à 14h37 alors que je sais très bien que je n’arrive pas à m’endormir si j’en bois après 14h30. Merci de me rappeler à quel point toi et moi sommes psychorigides.
  12. Pour résumer, tu n’aurais pas un bouton « veille » ? Ca nous reposerait tous les deux.

En espérant que tu accepteras de prendre en compte ces quelques menues propositions qui pourraient, j’en suis certaine, donner un coup de boost à notre productivité et qui sait, limiter notre consommation de café (avant 14h30, bien sûr), je te prie de croire, chez cerveau, à l’expression de mes sentiments les plus dévoués.

Ton hôte

Surnoms

Mes enfants m’appellent « mimi »

Mon père m’appelait « cacane », il ne le fait plus beaucoup aujourd’hui, il pense sans doute que j’ai passé l’âge

Quand j’étais petite mes parents m’appelaient « bouchon » ou « capitaine bouchon », pendant un de nos voyages au Canada

Ma mère m’appelle « ma puce »

Mon chéri m’appelle « ma chérie », on n’est pas très originaux

Ma grand-mère m’appelait aussi « ma chérie », mais c’est comme si les mots n’étaient pas les mêmes, peut-être parce que sa voix tremblait un peu

Ma meilleure amie m’appelait « Bob », et je l’appelais « Jack » mais ça semble bien loin maintenant

Aux Etats-Unis, mes colocs m’appelaient « Mimile »

M. m’appelait « Buttercup » et elle était « Bubbles », je ne sais pas si elle s’en souvient

Petites, mon amie d’enfance et moi jouions aux agents secrets, et j’étais « 007 », privilège sans doute dû au fait que j’étais de 6 mois son aînée

P., mon chat, ne m’appelle pas, elle lève simplement la tête vers moi et je comprends ce qu’elle veut

S. m’appelle « ma biche » mais je crois qu’elle appelle tout le monde comme ça

Les démarcheurs téléphoniques m’appellent « madame D. », ça me donne l’agréable illusion d’avoir la bague au doigt, ce qui ne m’empêche pas de leur raccrocher au nez

Les copains de mes fils m’appellent « la maman de J. » ou « la maman de C. »

Je suis tous ces petits noms à la fois, bien plus que je ne suis Emilie

Retrouvailles

La consigne de ce texte est la suivante :

« Vous êtes dans un train, en présence d’un couple d’une soixantaine d’années : croquis en une quinzaine de 15 lignes ».

Tu ne devineras jamais qui était à côté de moi dans le train. J’étais dans un carré, manque de pot, les joies de la réservation de dernière minute. Jusqu’à 2 minutes avant le départ, je pensais être peinard, j’ai retiré mes chaussures et étendu mes jambes, je me suis dit que j’allais faire un somme, et les voilà, Monsieur et Madame Clopinet, les profs de physique/chimie au lycée. La terreur et le dictateur ! Je te dis pas, ils ont pris un coup de vieux, ils doivent bien avoir 60 balais. Pas de chance, ils m’ont reconnu tout de suite. Il a fallu que je leur fasse un résumé de ma vie depuis 20 ans. Ma carrière, le nombre d’enfants, leurs prénoms. Si j’ai des nouvelles d’untel ou une telle… Un cauchemar. Les lèvres de la mère Clopinet blanchissaient un peu plus à chacune de mes réponses. Ils échangeaient des regards de connivence. J’étais de plus en plus rouge, comme au lycée quand ils annonçaient les résultats d’une interro. Elle, elle n’a pas trop changé, elle est juste un peu plus rabougrie. Des rides partout, un vrai Shar-peï. Mais lui, je ne sais pas ce qu’il est arrivé, alors qu’il était si imposant, il a fondu. Peut-être des problèmes cardiaques. Vu qu’ils en étaient presque à me demander la couleur de mes sous-vêtements, j’aurais peut-être dû mettre les pieds dans le plat, le questionner sur sa santé. Je te jure, ça a été les trois heures les plus longues de ma vie.

Comment rater son entretien d’embauche

Ce texte est inspiré de « Comment rater complètement sa vie en 11 leçons » de Dominique Noguez. La consigne était la suivante : imaginer un ratage de notre choix (un gâteau, une journée de shopping, etc.). J’ai choisi l’entretien d’embauche. Voici quelques pistes :

Comment rater son entretien d’embauche

Tout d’abord, soignez votre tenue. Tongs, barbe de trois jours, mais pas soignée à la bobo, plutôt le look de celui qui a enchaîné les beuveries et ne s’est même pas lavé les dents le matin.

Prenez bien soin d’arriver en retard et de ne pas vous en excuser.

Lancez une remarque bien sentie à votre interlocuteur. Si c’est une femme, demandez-lui qui garde les enfants pendant ce temps. Si c’est un homme, les attaques à la virilité fonctionnent plutôt bien. Vous pouvez également ajouter un commentaire sur sa calvitie, cela fera valoir votre sens de l’observation. L’essentiel est de mettre l’autre personne à l’aise.

En parlant de ça, montrez que vous êtes du genre détendu. Poser les pieds sur la table peut faire son petit effet.

Quant au matériel à prévoir, il y a deux stratégies, 100 % gagnantes. Soit venir les bras ballants, cela témoignera à coup sûr de votre spontanéité. Soit amener un CV truffé de fautes et gonflé d’expériences improbables, comme dompteur de babouins en Nouvelle-Calédonie. Rien de tel pour souligner votre créativité.

Évitez la formalité, tout en vous adaptant à votre interlocuteur, que vous pourrez appeler, au choix, « mon petit chou », « mon poteau » ou « mec ».

Répondez à côté des questions, ou mieux, ne répondez pas en signifiant clairement que vous préféreriez être ailleurs.

Enfin, si malgré tous vos efforts, votre interlocuteur vous dit « On vous rappellera », n’oubliez pas de répondre « Ouais, en même temps, vous emmerdez pas ».