Je ne veux pas

Il y a un an, à quelques jours près (je ne retiens pas ces dates-là), je rentrais en train de l’enterrement de ma grand-mère et j’écrivais ce texte. Je ne suis pas sûre d’être un jour vraiment prête à le publier sans boule au ventre donc autant me lancer aujourd’hui.

Je ne veux pas te voir comme ça. Je n’ai pas besoin de te dire au revoir. Je crois qu’il n’y a plus beaucoup de toi dans ce cercueil, ils ont dû transformer ton visage en masque méconnaissable. La mort a fait le reste. Je préfère me rappeler de toi telle que tu étais. L’odeur de ton parfum. La sensation de tes joues fripées et molles contre mes lèvres. La façon dont tu m’agrippais le bras avec tes longues mains pour me redemander un baiser ou me poser une question. Notre dernier Noël ensemble, avec le petit sapin qu’on avait installé dans un coin de ta chambre. Les cadeaux pour mes enfants que ma mère avait mis dessous en disant qu’ils étaient de ta part. De mon côté, je t’avais offert un pull à paillettes, du XS, car tu ne pesais plus bien lourd. Puisqu’on triche, autant le faire avec panache. Travelling arrière quelques années plus tôt. Le même mini-sapin artificiel trône à l’entrée de ton appartement. Tu as accroché des guirlandes aux miroirs. Tu as acheté et emballé toi-même les cadeaux. C’est déjà mieux, non ? Et pourquoi pas ? Oui, pourquoi pas ? Je suis encore adolescente et mes amis me félicitent d’avoir une grand-mère aussi dynamique, si moderne. Je viens tous les jours déjeuner chez toi avec maman, et le dimanche, tu es encore avec nous. On te sert une coupe de champagne, et ensuite tu chipotes à table. Le saumon fumé, oui. La viande, non ! Quelques légumes, un morceau de fromage, et comme tu es gourmande, un dessert, plutôt deux fois qu’une. Tu lances quelques piques à ton gendre préféré, puis tu fais la sieste sur le canapé. Toute une enfance rythmée par tes visites et les nôtres. Je m’en lassais alors, mais maintenant, comme j’aimerais vivre encore un de ces dimanches d’ennui… Non, tu n’es pas dans ce cercueil si petit. Tu es là, dans le collier que je porte autour du mon cou, dans les photos des albums des enfants, dans leurs dessins qui t’accompagnent aujourd’hui, dans ce flacon de parfum que j’ai récupéré, et qui me permet de te retrouver, en fermant les yeux et en inspirant simplement.

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