La liste de mes peurs

Je suis de retour avec une petite liste, l’un de mes exercices favoris. Celle de mes peurs, cette fois-ci (exercice tiré une fois encore d’Ecrire, de Faly Stachak).

J’ai peur des araignées à grosses pattes qui surgissent de derrière la télévision et traversent le salon en s’arrêtant juste devant moi

J’ai peur des petites souris qui courent très vite en poussant des cris aigus

J’ai peur du vide en haut d’un monument, quand les barrières ne sont pas assez hautes

J’ai peur pour moi mais surtout pour les autres

J’ai peur que tu t’étouffes quand tu ris très fort et que tu oublies de respirer

J’ai peur que tu traverses sans regarder la route, tout à ta hâte de me rejoindre

J’ai peur des films d’horreur, seulement depuis que j’ai des enfants

J’ai peur de me tromper en choisissant ton cadeau de Saint-Valentin

J’ai peur que mes madeleines brûlent, peut-être d’ailleurs devrais-je aller surveiller le four

J’ai peur que la vie t’aigrisse et que tu perdes ton âme d’enfant

J’ai peur de la souffrance que la vie ne m’épargnera pas

J’ai peur que, de flash info en flash info, la multiplication des drames m’insensibilise à la douleur des autres

J’ai peur de perdre une à une toutes mes convictions

J’ai peur d’accrocher la voiture en la sortant du garage

J’ai peur de me perdre dans les rues de Paris, mais pas vraiment

Au fond, je n’ai peur que de vous perdre

Nos moments doux

Dans un coin de ma tête

Pour les jours de disette

J’ai une liste à rallonge

Dans laquelle je me plonge

La liste de nos moments

Instants tendres ou bruyants

Nos moments rien qu’à nous

Nos petits moments doux

Le câlin du matin

Le dernier bisou du soir

Dans la mienne ta main

Au moment des histoires

Sur tes joues et ton front

Des indices de ton repas

Je remonte ton pantalon

Et tu t’éloignes à petits pas

Tu zigzagues jusqu’à la grille

Toujours le même parcours

Dans mon cœur une petite aiguille

En attendant ton retour

Mon monde est trop calme sans ton bagou

Je retrouve la maison et son silence

Sur mon bureau une photo de toi, mon kibou

Elle a le parfum de ton absence

Transmission

Il a traversé le temps, fait la joie d’un paquet d’enfants, la fierté des parents découvrant leur petit monstre sous un autre jour, ah, s’il pouvait parler, nous dire ceux qui ont pleuré, ceux qui se sont plaints qu’il grattait, ceux pour qui l’essai n’était pas concluant, trop petit ou trop grand, combien de filles, combien de garçons ? Ceux qui ont fait la moue et voulu être une princesse ou un pirate, ceux dont les yeux ont brillé et qui n’ont plus voulu le quitter, toute une série de petits bouts de 4 ans sous le regard de la maîtresse qui pensait peut-être de temps en temps à sa première propriétaire, une petite fille blonde dont la maman avait des talents de couturière. Tant de mardis gras passés, de bons et loyaux services, pour revenir à son point de départ, plus de 30 ans après. La petite fille n’en est plus une, mais la transmission se fait, à un petit garçon blond de 4 ans aux yeux malicieux qu’on croirait faits sur mesure pour le rôle. Il enfile le costume vert et violet de clown, met la cravate et la perruque, ajoute un chapeau et un nez rouge, et nous voilà en 1984, ou presque. L’interprète est plus moderne, mais il y a un peu de la petite fille blonde en lui, et il annonce avec sérieux que quand le costume ne lui ira plus, on le rangera, et, dans une trentaine d’années, un petit garçon ou une petite fille, son fils ou sa fille, endossera à nouveau ce rôle avec autant de fierté.

Rencontre

Pour le texte du jour, nous devions imaginer une rencontre entre deux types de livres, choisis au hasard (manga, roman policier, BD, polar, etc.). J’ai tiré au sort « livre d’histoire » et « roman épistolaire »*, voici leur rencontre…

-Bonjour, je me présente : « Les liaisons dangereuses ».

-Bonjour, monsieur… rassurez-moi, vous traitez de la relation ambiguë entre les Etats-Unis et la Russie, n’est-ce-pas ?

-Pardon ? Ah, non, désolé, pas du tout.

-Alors le rapprochement de certains grands groupes politiques avec des groupuscules d’extrême droite ?

-Pas du tout, pas du tout.

-Vous n’êtes tout de même pas dans la… sociologie ?

-On peut dire ça.

-Oh là là, c’est une catastrophe.  Excusez-moi, mon cher, mais il semble avoir eu confusion, je ne sais pas pourquoi on m’a placé là, mais c’est une erreur, assurément. Je suis « Grandes problématiques de la Grande Guerre, ou comment la der des der a ouvert la voie à la deuxième guerre mondiale ». Ma place n’est certainement pas au rayon « Fiction ».

-Non, je confirme, vous devriez être dans les fonds anciens.

-Mais je ne vous le permets pas, je vous signale que je suis plus jeune que vous !

-On dit de moi que je n’ai pas pris une ride, que le ton des lettres entre la marquise de Merteuil et Valmont est résolument moderne et, d’ailleurs, on m’a adapté à Hollywood en transposant l’histoire de nos jours !

-Hollywood ? Je vous parle des implications internationales militaro-stratégiques de la première guerre mondiale et vous me parlez de vulgaires lettres érotiques adaptées à Hollywood ? Décidément, nous n’avons rien à faire ensemble.

*NdA Un roman épistolaire est un genre littéraire dans lequel le récit se compose de la correspondance fictive ou non d’un ou plusieurs personnages.  « Les liaisons dangereuses » de Pierre Choderlos de Laclos, est un des exemples les plus connus. Quand au livre historique avec qui il échange, ne le cherchez pas, il n’existe pas ailleurs que dans ma tête 🙂

Paroles, paroles

Ce court texte est inspiré du concours « Dis-moi dix mots sur tous les tons » organisé chaque année par le Ministère de la Culture. Sans participer au concours proprement dit*, nous avons travaillé sur ces dix mots imposés qui étaient cette année, sur le thème de la parole :

« accent », « bagou », « griot », « jactance », « ohé », « placoter », « susurrer », « truculent », « voix » et « volubile »

L’idée était de les intégrer dans un texte. Voici le mien. Toute ressemblance avec une personne existante n’est que pure coïncidence… ou pas !

De sa bouche volubile s’échappe un flot continu de paroles. Même quand il dort, il jacte.

Il placote avec ses doudous tôt le matin, il susurre des mots doux à nos oreilles dès qu’il en a l’occasion. C’est comme si sa voix m’accompagnait même quand il n’est pas là, comme si le verbe était dans son ADN.

Dans d’autres vies, il a dû être poète, ou griot.

Il décortique, il analyse, il ne synthétise pas, par contre. Chez lui tout est bon à raconter, le moindre détail est passionnant.

Il a le bagou d’un maraîcher vantant la fraîcheur de ses tomates, la truculence de celui qui connaît par cœur les paroles des standards de Pierre Perret.

« Ohé, papa, maman ! »  : sa voix aux accents chantants de petit garçon de 4 ans nous rattrape quand nous perdons le fil de son monologue.

« Pff. Personne ne m’écoute dans cette maison ».

*J’aurais sans doute été considérée comme hors sujet car comme vous pourrez le constater, j’ai triché, transformant « jactance » en « jacte »… et « truculent » en « truculence ».

P.S. Vous ne connaissez pas le sens de certains de ces mots ? Voici les définitions données par l’organisateur du concours :

http://www.dismoidixmots.culture.fr/ressources/thematique-dix-mots-2017-2018

Si j’étais…

Suite du travail sur la couleur bleue, ce texte est adapté d’une consigne de Faly Stachack, « Si j’étais… ».

Si j’étais un oiseau bleu, j’ouvrirais fièrement mes ailes pour en dévoiler chaque plume

Si j’étais un chapeau bleu je serais porté légèrement sur le côté, maintenu par des épingles

Si j’étais un stylo bleu je n’aurais presque plus d’encre à force de gratter le papier

Si j’étais une œuvre bleue je serais un morceau de bois flottant rehaussé de perles et de plumes

Si j’étais une robe bleue je me marierais parfaitement à la couleur de tes yeux

Si j’étais une panthère bleue je ne passerais pas inaperçue dans la jungle

Si j’étais de petits pas bleus peints dans les rues d’une ville j’emmènerais toujours celui qui me suivrait à sa destination

Si j’étais un jean bleu je saurais m’adapter à la taille et aux fesses de mon porteur

Si j’étais un pull bleu je serais une marinière au parfum de côte bretonne

Si j’étais bleue je serais Neytiri dans Avatar

Si j’étais un train bleu je disparaîtrais sans bruit dans la nuit

Si j’étais une chambre bleue je ne ferais faire que de beaux rêves

Si j’étais un ciel bleu j’inviterais quelques nuages à créer des formes magiques autour de moi

Photo Copyright Moi-même – Dans les rues de Château-Thierry

P.S. Avis aux amateurs, l’œuvre bleue dont je parle est signée Marion Gervais et elle est exposée au Silo U1 (expo Colorama) actuellement.

Je dis bleu

Samedi dernier, avec quelques membres de l’atelier, nous sommes allées voir l’exposition Colorama, au Silo de Château-Thierry. C’est la troisième année de cette exposition consacrée aux couleurs et après le rouge (cf. texte Emprise du 7 juillet 2017) et le vert l’année dernière, l’expo de cette année est consacrée au bleu. Après la visite, nous avons travaillé autour des couleurs. Nous sommes notamment parties d’une citation de Michel Pastoureau (dans Le petit livre des couleurs) : « Le bleu est devenu un mot magique, un mot qui séduit, qui apaise, qui fait rêver…»

Je dis bleu comme tes grands yeux un peu plus foncés que les miens, aux longs cils comme ceux de ton père.

Je dis bleu comme le regard bleu-gris de ton frère, toujours plein de malice.

Je dis bleu et ce mot devient un mot magique.

Je dis bleu et je me retrouve au milieu de l’océan aux commandes d’un voilier.

Je dis bleu et les nuages se dispersent, la pluie cesse, le soleil revient.

Je dis bleu et je sens les petites graines de myrtille et leur couleur qui tâche mes lèvres.

Je dis bleu et tout le gris du monde disparaît.

Je dis bleu comme on ferait sortir un lapin d’un chapeau.

Je dis bleu et la mélancolie de la musique m’envahit sans me peser.

Je dis bleu et je suis petite fille à nouveau, avec ma robe vichy cousue par maman, à l’image de la sienne, et je revis le plaisir que j’avais à être sa jumelle.

Je dis bleu et je vois les yeux un peu délavés de mon père.

Je dis bleu et je marche dans les couloirs du lycée avec mes chaussures volontairement dépareillées.

Je dis bleu et je revois mes ongles peints comme un arc en ciel.

Je dis bleu et les mésanges apparaissent à la fenêtre de la maison de mon enfance.

Je dis bleu et je plonge au fond de la piscine.

Je dis bleu et j’en oublierais presque que le rouge est ma couleur préférée.

Il y a des monstres

Vous l’aurez peut-être remarqué, j’ai un faible pour les listes. Voici la dernière en date. Comme pour toutes les listes, elle pourrait faire plusieurs pages, mais comme la consigne du livre de Faly Stachak préconisait 10 minutes d’écriture, voici les monstres que j’a imaginé lors de notre dernier atelier d’écriture.

Il y a des monstres tout maigres qui ne font peur à personne et qui ont beau s’époumoner, passent totalement inaperçus

Il y a des monstres gras et poilus à qui on a plutôt envie de donner le numéro de notre esthéticienne

Il y a des monstres qui n’en ont pas l’air mais que je ne vous conseillerais pas de présenter à votre grand-mère

Il y a des monstres qui en ont assez de provoquer l’effroi et qui aimeraient s’adonner sans honte à leur passion pour le scrapbooking

Il y a des monstres qui sortent fièrement une fois par an, pour Halloween, de nos placards et de sous nos lits, enfin libres de se mêler à la foule

Il y a des monstres bien cachés au fond de nous et qui cherchent à tout prix l’occasion de sortir

Il y a des petits monstres qui, heureusement, sont aussi capables de se montrer sous leur meilleur jour, la plupart du temps

Il y a des monstres tout autour de nous, qui grognent ou qui se taisent, qui mordent ou qui enragent, qui grondent ou qui attendent, tapis dans l’ombre

L’arhgoufoa

J’ai hésité un peu avant de publier ce texte parce qu’il est pour le moins décalé, mais comme je l’aime bien, je me lance. Lors d’un atelier avec Virginie, nous avions travaillé par groupe de trois, dans une première étape : chacun choisissait une onomatopée ou une syllabe et on combinait les trois pour créer un mot. Dans un second temps, on lui donnait, en groupe, une définition, puis, en solo, nous devions écrire un texte pour faire deviner le sens de ce mot à l’autre groupe.

La combinaison de nos trois syllabes a donné le mot arhgoufoa.

Je vous donnerai la définition après le texte, histoire de jouer le jeu :-)

L’arhgoufoa

L’autre jour mon fils est arrivé à la grotte tout excité.

« Calme-moi », lui ai-je dit, « et commence par t’essuyer les pieds à l’entrée, on n’est pas des sauvages ! »

« Un peu quand même » a-t-il bougonné, puis, devant mon air sévère, il a vite ajouté : « Non, j’ai rien dit ».

« Que se passe-t-il, Nabucho ? » (Il s’appelle Nabuchodonosor, une idée de ma belle-mère, mais je trouve ça trop long).

« J’ai trouvé un arghoufoa. On peut le prendre ? Dis, dis on peut ? »

« Un arghoufoa nain ou un géant ? »

« Je sais pas, moi ».

« C’est quand même une distinction importante ! »

« Un nain, je suis presque sûr ».

« Nain ou géant, peu importe » a grogné Nabuchodonosor senior. « Pas question qu’on s’encombre d’un machin de ce genre, on serait la risée de toute la vallée. Si au moins il pouvait nous aider à chasser le buffle… »

« Mais il est si mignon… »

« Non, c’est non, on n’en parle plus, va plutôt t’occuper d’aiguiser les lances pour demain ».

« Pff, c’est toujours pareil, on peut rien faire dans cette maison ».

« Mai… quoi ? »

« Non, rien ».

Et il est ressorti comme une furie. Je l’ai suivi discrètement, et je l’ai retrouvé à l’orée de la forêt, accroupi, à murmurer :

« Petit, petit, viens, je t’ai trouvé des épines de séquoia, ton repas préféré ».

Après quelques minutes, un arghoufoa d’un bon mètre de hauteur (Un nain, mon œil !) s’est approché, son pelage violet ressortant parfaitement dans la neige.

Je suis repartie le plus discrètement possible et j’ai glissé à l’oreille de Nabuchodonosor senior :

« Chéri, tu te demandais quoi m’offrir pour la Saint Valentin ? Un manteau bien chaud pour l’hiver, ça serait parfait ».

« La Saint quoi ? »

« Peu importe. Aiguise ta lance et suis-moi ».

Alors ? Quel est ce mystérieux arghoufoa ? Voici ce qu’en dit le presque-dictionnaire.

ARHGOUFOA : nom masculin. Mammifère de l’ère Neandertal à forte pilosité, ce qui explique sa survie de l’époque glacière. Les arghoufoas nains peuvent avoir jusqu’à deux arghoufoatons par an, les arghoutoas géants un seul. Les arghoufoas se nourrissent exclusivement d’épines de séquoia. Ils sont dotés de grandes oreilles dressées sur leur crâne pour détecter rapidement leurs nombreux prédateurs, attirés par leur pelage de couleur vive.

L’inconnue

Cette consigne, proposée par mon amie Anne lors de notre dernière escapade d’écriture « en solo », part du tableau d’Edward Hopper intitulé « Night Windows ». L’objectif, en utilisant le tableau ou pas (je m’en suis éloignée) est d’imaginer le quotidien des personnes qu’on peut apercevoir dans les appartements éclairés en ville, en période hivernale (qui sont-ils ? à quoi pensent-ils ? que font-ils ? etc).

Il avait l’impression de la connaître alors qu’ils ne s’étaient jamais parlé. Elle habitait au rez-de-chaussée et ne fermait jamais les volets avant tard le soir. Il aimait particulièrement les ombres que dessinaient les lumières d’ambiance de son intérieur en hiver. La première fois qu’il était passé devant chez elle, il avait été presque gêné de la voir assise sur son fauteuil, dans une robe de chambre défraîchie, devant son plateau télé, comme s’il entrait trop brusquement dans l’intimité d’une inconnue. Puis, malgré lui, il s’était pris au jeu et il ne se passait désormais plus un jour sans qu’il ne passe devant le 8 rue Jeanne Moreau pour retrouver la même scène, jour après jour. Même tenue, même position, même plateau télé. Le froid étant venu, et de peur de se faire prendre, il avait élaboré un stratagème pour pouvoir l’observer sans qu’elle ne le voit, assis à une table du café d’en face. Il savait qu’il aurait dû s’en sentir honteux, mais c’était plus fort que lui. Il lui fallait découvrir qui elle était. Après plusieurs semaines, il savait désormais ce que contenait son plateau : une soupe, un morceau de fromage, un verre de vin et une pomme, là encore quotidiennement. Pas d’entorse au train-train chez elle. Elle regardait également toujours la même émission, et ayant noté précisément à quel moment elle riait (toujours à 18h07 et 18h23, précisément), il était parvenu à la conclusion qu’elle visionnait tous les jours le même épisode d’une vieille série télé. A partir de là, il lui fallut imaginer le reste de sa vie. Elle portait des charentaises trop grandes pour elle. Il en conclut qu’elles appartenaient à son défunt mari. Il lui imagina aussi deux enfants, partis de la maison depuis longtemps. En revanche, il avait du mal à lui donner un âge. Malgré le style désuet de son appartement aux innombrables bibelots et au papier peint vieillot, elle aurait pu avoir 50 ans comme 70 ans. C’est son rire qui le faisait douter, ce rire qu’il n’entendait que dans sa tête mais qu’il imaginait plein d’une vigueur qui ne cadrait pas avec le reste. Il rêvait presque toutes les nuits qu’au lieu de s’asseoir à son poste d’observation, il trouvait le courage d’aller sonner chez elle et de percer enfin le mystère. A chaque fois il se réveillait le cœur battant, soulagé qu’elle reste telle qu’il voulait l’imaginer.