Hantise

Pour cet exercice d’écriture proposé par mon amie Liliane, nous avions un point de départ, « A l’instant où je pénètre dans ce sous-bois » que nous devions poursuivre selon notre inspiration. Voici la mienne :

A l’instant où je pénètre dans ce sous-bois, j’ai la sensation diffuse que je n’en ressortirai pas. Tout ici semble baigner dans une lumière menaçante que je ne saurai expliquer. Et pourtant, je continue à marcher, comme hypnotisée. Il me semble que mon libre arbitre est resté sur le chemin de terre où j’ai laissé ma voiture. La forêt m’appelle et je me dois de lui répondre. Au-dessus de moi les hautes branches des chênes dessinent des ombres qui semblent vouloir m’attraper telles les serres d’un rapace. Au sol, le moindre de mes pas produit à mes oreilles un vacarme assourdissant. J’essaye d’éviter les brindilles qui craquent, de privilégier la mousse et l’herbe, mais j’ai l’impression d’être un pachyderme incapable de passer inaperçu. D’ailleurs, je sens leurs regards posés sur moi. Toute la forêt a semble-t-il, cessé ses activités habituelles pour m’observer. A ma droite se tient un écureuil, un gland posé entre les pattes. Il ne s’enfuit pas à mon approche, conscient que c’est moi l’intrus sur son territoire. Je sens la chaleur de son regard sur moi alors que je m’éloigne. Partout, les oiseaux, que j’entendais pépier avant d’entrer ici, ont cessé de chanter. La gorge sèche, je peine à déglutir. Je pressens que quelque chose de terrible va arriver. Et pourtant, je marche, tout droit. Je m’enfonce dans ce lieu sombre et silencieux, où tout m’est hostile. J’entends mon cœur cogner comme des milliers de tambours dans ma poitrine et dans mes tempes. Soudain, un cri d’oiseau, strident, qui me fait trébucher. Je me retrouve un genou à terre et je n’ose plus bouger. Je sens qu’ils se rapprochent, que même si j’accélère le pas, je ne pourrai pas leur échapper. Alors, à quoi bon ? Je me relève lentement, mon genou droit commençant à me lancer, et je sens la menace derrière moi. Il faut que je me retourne. Il le faut. Mais pendant quelques instants, pétrifiée par la terreur, j’en suis incapable. Ce n’est que quand j’entends le cri de l’oiseau à nouveau que je comprends qu’il cherchait à m’avertir. Alors je me retourne et je les vois, m’encerclant, ne me laissant aucune échappatoire. Je lève les yeux et croise le regard de l’oiseau qui pousse un dernier cri avant de donner un grand coup d’aile et de me laisser seule avec mes démons.