Rendez-vous manqué

J’ai écrit ce texte lors de la formation dispensée par Hédi Kaddour. Sa consigne est un peu différente de celles dont j’ai l’habitude, car au lieu de fournir le point de départ, nous avions ici tous les jalons du texte (« Il est midi, vous êtes à vélo. Vous rapportez le cadeau d’anniversaire de votre enfant. Vous empruntez un sens interdit. Vous entendez un coup de sifflet. Vous êtes emmené au commissariat. Vous sortez à 17 heures (texte de 20 lignes) ». 

Il est midi et je suis déjà en retard, mais après avoir écumé tous les magasins de jouets de la ville, 18 pour être précise, je l’ai enfin, ton cadeau rêvé, dont tu nous bassines depuis que tu as vu la pub à la télé. Il est harnaché sur mon porte-bagages, avec pas moins de trois sandows, mais sans papier cadeau, la vendeuse n’en avait plus. Je regarde ma montre, laisse échapper un juron, et vois la solution, le raccourci qui me permettra de contourner les bouchons et de limiter mon retard. Alors, je fonce à toute pédale, quand je me retrouve presque nez à nez avec deux policiers, à vélo eux aussi. Complètement paniquée, j’accélère et le sifflet me transperce les tympans. L’espace de quelques instants, j’hésite, puis, prise d’un affolement qui me fait perdre mes derniers neurones, je continue. Le sifflet retentit une nouvelle fois, plus proche, et mon escapade se termine contre un camion de livraison. Je suis à deux doigts de défaillir. Je ne comprends aucun des mots qui sortent de ma bouche. Ils me regardent d’un air de plus en plus sévère et m’ordonnent de souffler dans le ballon. J’en suis incapable et je me mets à rire de façon incontrôlée. Ils aperçoivent alors sur le porte-bagages la belle mitraillette plus vraie que nature que je comptais t’offrir. Sens interdit. Tentative de fuite. Refus d’obtempérer. Sans doute saoule et… armée ? Je suis embarquée au commissariat. Après avoir repassé l’éthylotest : négatif, avoir confirmé que l’arme est un jouet et que je n’étais pas une délinquante mais une mère au bord de la crise de nerfs, ils me relâchent, à 17 heures, alors que ta fête est finie depuis longtemps et qu’il ne reste plus une miette de gâteau. L’année prochaine je t’achète un jeu éducatif… sur Internet.