Samedi dernier, avec quelques amies de plume, nous sommes allées visiter l’exposition Multicolorama, au Silo (Château-Thierry). Si toutes les œuvres ne m’ont pas parlé, j’ai trouvé le parti pris d’une des artistes, Faustine Jacquot (réaliser des dessins à partir de câbles électriques), intéressant.
Ce texte est issu d’une consigne que l’une de nous a imaginé : choisir une oeuvre de l’expo et écrire librement par rapport à notre ressenti. Ce texte est donc inspiré d’une oeuvre de Faustine Jacquot, sans titre (à ma connaissance) représentant une femme assise sur un tabouret de bar. Le dessin est visible sur le site de l’artiste, n’hésitez pas à aller y faire un tour…
https://faustinejacquot.tumblr.com/
C’était décidé, elle sortirait dîner ce soir. Elle affronterait les regards et se montrerait telle qu’elle était. Elle avait résolu, en ce début d’année, de ne plus se soucier tant de l’opinion des autres.
Elle a fait des efforts pour s’apprêter. Elle a relevé ses cheveux en une couette, coiffure qu’elle n’avait pas portée depuis ses 10 ans, et elle a habillé ses lèvres de rouge et allongé ses cils. Ses ongles ne sont pas manucurés, elle ne pousse pas l’orgueil jusque-là. Mais ils sont courts et propres, c’est l’essentiel. Pour sa tenue, elle ne pouvait pas faire grand-chose, elle n’a plus d’autre vêtement à sa taille. Elle s’est autorisé une touche de glamour, des escarpins qui lui massacrent les doigts de pieds, mais qui lui rappellent ces nuits passées à danser, dans un autre siècle. Celui avant les rides et la solitude. Celui avant le grand basculement vers cette étrangère qui se tient devant son miroir. Cette étrangère qu’elle n’identifie que grâce à ses escarpins rouges et ses cheveux relevés. Elle ne peut pas renoncer, maintenant, tourner totalement le dos à ses bonnes résolutions. Alors, elle sortira. Elle prendra sa voiture jusqu’au fast-food du coin et commandera deux menus à emporter. Puis elle rentrera, s’assiéra précautionneusement sur ce tabouret de bar conçu pour une autre, et mangera son hamburger, en parlant avec celui qui est parti depuis longtemps et qui ne lui répondra pas, pas plus qu’il ne mangera le menu qu’elle s’obstine à lui acheter comme s’il n’avait pas disparu en même temps que celle qu’elle était, au siècle d’avant. Elle finira par manger le deuxième hamburger, elle le sait, en se sentant encore plus étrangère à elle-même à chaque bouchée. Puis elle se démaquillera, relâchera ses cheveux et libérera ses pieds meurtris, en attendant d’avoir le courage de jouer la partition jusqu’au bout et de soutenir le regard de la femme que lui renvoie le miroir de l’entrée.
Une œuvre bien vue, bien regardée, elle en a de la chance.. du coup l’inspiration provoquée est là.. des mots justes et beaux et un texte bien réaliste.