Cauchemar en cuisine

L’inspiration de ce texte – non autobiographique, je précise 🙂 – est la suivante « Dis-moi comment tu fais le café, je te dirais qui tu es » : l’idée est de créer un personnage effectuant un geste du quotidien (d’après « Les personnages » de Sylvie Germain).

Il est 14 heures, deux heures avant l’arrivée des invités. Je mets mon tablier et installe soigneusement devant moi le déroulé des opérations. Toutes les étapes ont été méticuleusement notées, dans l’ordre, rien ne peut perturber cette organisation quasi militaire. Je prends une grande inspiration, inspirer/expirer, comme dit le prof de yoga. Tous les ingrédients sont sortis, la moitié des ustensiles de la cuisine aussi, je commence à l’étape 1.

Arrivée à l’étape 5, sur 22, je jette un coup d’œil au four où les minutes semblent défiler à une vitesse irréelle. Le plan de travail est déjà couvert de saladiers propres et sales, de cuillères en bois, de coquilles d’œufs… Je lisse mon tablier et reprend mes inspirations yogiques. La température de la pièce a dû grimper de 10 degrés. Mes cheveux se collent sur mon crâne et j’ai l’impression d’entendre les gouttes de transpiration qui coulent de mes aisselles s’écraser par terre. Les blancs en neige n’ont pas assez monté, la pâte fait des grumeaux, mais tout va bien. Le minuteur du four semble se moquer de moi, j’ai envie de tout laisser en plan et d’aller acheter un gâteau tout fait au supermarché. Vu l’âge moyen des convives, je ne suis même pas sûre qu’ils s’en rendraient compte.

Je me force à respirer le plus régulièrement possible, je peux le faire. Il ne reste plus que l’assemblage et je suis large. Le temps a cessé sa course folle et a retrouvé un rythme plus raisonnable. Echevelée, rouge, le visage maculé de farine, je contemple mon œuvre.

Tout est là : la base en pâte d’amande, les tours en petits beurres, le pont-levis en chocolat. Je regarde une dernière fois le modèle de « Château-fort d’anniversaire » qui s’affiche sur ma tablette, puis la version réelle et je suis partagée entre fou rire et nausées. Je ferme la page du navigateur, puis range soigneusement l’appareil à l’abri des regards.

Mon fils aura son château-fort, même s’il est clair désormais que l’option gâteau de supermarché aurait été nettement plus raisonnable. Mais il est trop tard pour ça, le minuteur indique 16 h, la maison va bientôt être envahie par les cris d’un groupe de gamins de 4 ans qui vont de toute façon se bourrer de bonbons et délaisser le gâteau.

Je lisse mon tablier, inspire/expire, et décide de me servir un verre. Le yoga a ses limites.

4 réponses sur “Cauchemar en cuisine”

    1. J’ai bien précisé que ce texte était non autobiographique, mais tant pis pour toi, tu n’auras pas de gâteau-château-fort la prochaine fois !

  1. Super maman, les enfants trouvent toujours leur gâteau d’anniversaire créatif bien plus beau que celui du super marché

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