Ce texte est issu d’un atelier d’écriture autour d’une exposition de la médiathèque intitulée Curioso (février 2016). Virginie nous avait demandé d’amener chacun un objet « curieux ». J’ai choisi de travailler sur un objet amené par ma camarade Laurence (je la remercie à nouveau pour la photo).
J’ai été là dès le début. Quand deux ou trois comprimés suffisaient à garder la maladie à distance. Elle aimait alors se regarder dans le petit miroir une fois les médicaments avalés, vérifier si rien n’avait changé, s’assurer que son regard était le même. C’était gagné pour au moins une journée de plus. Puis le nombre de comprimés a augmenté, les doses aussi. Le regard dans le miroir est devenu plus fatigué, il refusait désormais de se fixer. Elle prenait tout en une fois, pour être débarrassée, puis elle me cachait au fond de sa poche. De compagnon utile je suis devenu le rappel d’un échec. Désormais elle refusait de croiser son regard dans le miroir. Et le nombre de médicaments à avaler me rendait de toute façon obsolète. Je fus remplacé par un modèle plus sophistiqué, plus rationnel, plus volumineux. Elle me rangea dans un tiroir et je ne vis plus jamais son regard. Jusqu’à ce qu’une petite fille fouineuse, des années plus tard, me découvre et m’adopte à nouveau. Aujourd’hui, je suis une mini-boîte aux trésors. Je ne peux pas contenir beaucoup, un bonbon, une médaille, une perle. Mais elle aime se regarder dans le petit miroir, vérifier jour après jour qu’elle est toujours la même, que rien n’a changé.
C’est beau
Super!